Q : L’avenir de la chirurgie, c’est le robot, la télémanipulation ! Où en sommes nous réellement 

Dans les années 90, des robots d’assistance à la chirurgie ont été développés sur la base des techniques utilisées dans l’industrie nucléaire : un robot réalise l’intervention, piloté à distance par le chirurgien. C’est la télémanipulation. L’opération Lindbergh réalisée le 7 septembre 2001 est sans doute la plus belle illustration de la télémanipulation puisqu’un chirurgien situé à New York a opéré une patiente située à Strasbourg. Au-delà de l’aspect spectaculaire, cette intervention marque le début de l’entrée des robots dans les blocs opératoires et du plus célèbre d’entre eux : le robot Da Vinci du géant américain Intuitive Surgical. En 2013, on dénombre dans le monde plus de 3000 robots Da Vinci dans les hôpitaux (80 en France). De tels dispositifs permettent de faciliter les procédures chirurgicales minimalement invasives notamment en redonnant du confort au praticien et en réduisant la courbe d’apprentissage. Cependant, les robots chirurgiens télémanipulés restent très coûteux (2 millions d’euros par dispositif), encombrants et souffrent de limitations techniques importantes (pas de ressenti de l’interaction entre les instruments et les organes, installation longue et fastidieuse, etc.) et impactent beaucoup l’organisation du travail et les métiers du bloc opératoire.

Q : Vous avez souligné l’existence d’une solution mieux intégrée : la comanipulation…

Depuis 10 ans, on voit naitre un nouveau paradigme : celui de la comanipulation. Il ne s’agit plus de manipuler les instruments à distance mais de manipuler avec le robot. En premier lieu, cela permet de ramener le chirurgien au plus près du patient et au cœur de l’équipe chirurgicale. Ainsi, l’organisation générale de l’équipe n’est pas modifiée et les capacités de communication verbale ou non verbale sont préservées. De plus le praticien manipulant directement l’instrument chirurgical, il retrouve sa pratique usuelle et ses sensations directes dans l’interaction entre les instruments et les organes. Le robot intervient alors comme un filtre ou un guide destiné à améliorer le geste du praticien tout en laissant le praticien maitre du geste qu’il réalise. Idéalement, la pratique chirurgicale reste inchangée par l’utilisation d’un robot comanipulé. La conception de tels systèmes suppose donc de réunir tous les acteurs du bloc opératoire afin d’appréhender correctement les questions des usages de ces nouvelles technologies et de leur impact sur l’organisation professionnelle.

Q : Cela entraîne-t-il une évolution notable des équipements ?

De façon évidente, l’imagerie médicale a révolutionné la pratique chirurgicale. Le couplage entre robotique et imagerie permet non seulement de fournir des informations capitales aux dispositifs d’assistance mais aussi de faciliter la reconstruction 3D ou les fusions d’images en utilisant les mesures issues des capteurs du robot. D’ailleurs parmi les acteurs majeurs du monde médical, on observe que les géants de l’imagerie médicale (GE Healthcare, Siemens, Philips) s’intéressent de plus en plus à la robotique.

Q : Comment se situe la France dans le domaine ?

Dans ce domaine, la politique de l’état incite fortement à transférer les résultats des recherches, cela a permis notamment que de nouveaux dispositifs soient commercialisés. Cette politique permet une activité très intense au niveau des start-up et de quelques PME-PMI. A titre d’exemple on peut citer le succès du  robot comanipulé ROSA de la société Medtech pour la neurochirurgie. De nombreux acteurs développent aujourd’hui une branche médicale (BA Systèmes Healthcare par exemple). La France est ainsi le 5ème acteur mondial de l’innovation en santé. Pourtant, il manque encore un leader national puissant pour asseoir cette filière et  permettre de déployer ces nouvelles technologies à l’échelle mondiale.

1 : Septembre 2016, Maison de la chimie, paris

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