Thales : un examen radiologique sur deux dans le monde

Un examen radiologique sur deux dans le monde utilise des détecteurs Thales. Les détecteurs sont « les yeux » des systèmes de radiologie. Ils font eux-mêmes partie d’un sous-ensemble permettant de traiter l’image, venant s’intégrer aux équipements de radiologie. Les technologies déployées pour réaliser ces sous-systèmes sont au cœur de la révolution majeure que connaît la radiologie : le passage du conventionnel au numérique. Un bond technologique comparable au passage de l’impression d’un film argentique à la photographie numérique, rendant l’image exploitable en temps réel.

Thales est le seul acteur mondial disposant d’une ligne de produits embrassant la totalité du marché de ces composants, dans le conventionnel avec l’entreprise TED XRIS, et dans le numérique avec l’entreprise Trixell. Les produits Thales équipent d’ailleurs plus de 100000 systèmes dans le monde. C’est un atout majeur alors que s’opère la transition vers le tout numérique. Les systèmes portables et plus ergonomiques de type Trixell, basés sur les détecteurs plans à haute résolution et de grande dimension (systèmes « ArtPix » récemment présentés dans les salons mondiaux) représentent le principal enjeu pour le développement futur de la radiologie.

Des performances de ces technologies, dépend le temps d’exposition des patients aux rayonnements ionisants durant les examens ou les interventions réalisées via l’imagerie interventionnelle. Les perspectives en matière d’échange, de partage d’images médicales, de stockage et d’archivage des données de santé des patients devraient leur éviter les examens redondants et contribuer à leur meilleure prise en charge. La qualité des images, leur résolution, favorisent le diagnostic précoce des tumeurs ou des affections. Autant d’éléments pour améliorer la santé publique, alléger son coût pour la Sécurité sociale, telle l’imagerie interventionnelle qui se substitue déjà souvent à la chirurgie.

La France à la traîne pour les IRM

L’équipement du territoire français en imagerie médicale est insuffisant. La France accuse aussi un retard important en matière d’IRM, selon les professionnels de l’imagerie réunis au sein d’ISA (Imagerie, Santé, Avenir) : 10 machines par million d’habitants contre 19,5 en Europe et 27 en Allemagne.Et c’est Hitachi (2 500 IRM aux États-Unis) qui convoite le marché français à partir de sa base technique existant dans le pays. D’où un recours au scanner, plus irradiant, même si des recherches sur les sources utilisées promettent d’y remédier. Un effort d’équipement soutenu en IRM est nécessaire. En dépit des plans Cancer successifs, la France, avec un délai moyen d’attente de 32 jours, reste à la traîne. Les inégalités régionales se creusent entraînant un accès à la santé à deux vitesses. Qui ne connaît un cas de personne confrontée à l’angoisse de l’attente d’un examen et de soins ?

Autre retard: les hôpitaux publics peinent à disposer d’un système de gestion informatique des images médicales pour l’archivage, le stockage et la communication, souvent limités au seul usage de l’établissement qui en est doté. « Le dossier papier complété de films de radiologie dans les chemises cartonnées qui s’épaississent au fil du temps et trop souvent s’égarent, est encore d’actualité dans la majorité des établissements ».

Une filière en pleine croissance… avec ou sans nous ?

Le secteur de l’imagerie médicale promet une croissance de l’ordre de 4 % par an. Des progrès technologiques considérables y sont attendus, susceptibles de conférer aux opérateurs des avantages certains sur un marché mondial évalué à 30 milliards d’euros.

Le marché de l’imagerie « conventionnelle » reste actif du fait du passage progressif au numérique des salles de radiologie existantes. General Electric, Philips, Siemens (qui détiennent 80 % du marché mondial de l’imagerie médicale) et Toshiba cherchent actuellement à se positionner en France sur le long terme avec des plateformes intégrées « clés en main » par des partenariats publics privés (PPP). Les grosses structures hospitalières se sont déjà équipées en équipements General Electric, permettant ainsi à ce groupe américain de dicter sa loi en France. La compatibilité ou l’interopérabilité des machines et des logiciels est un élément clé de la mise en place du système numérique pour éviter des gâchis coûteux.

Cette orientation consistant à créer des super-plateaux techniques sur lesquels les médecins se retrouvent opérateurs sans possibilités d’adapter les technologies en fonction de leurs besoins n’est pas la bonne voie. Elle permet au privé de verrouiller toute possibilité à nos hôpitaux d’évoluer pour de nombreuses années et de rentabiliser au maximum – pour les sociétés prestataires – les fournitures sans tenir compte des besoins réels des établissements. Si le regroupement de moyens de haute technicité est un impératif, ne faut-il pas aussi répartir sur le territoire, des moyens plus légers mais performants ? Et ce au plus près des patients pour l’aide au diagnostic ou le suivi, évitant l’hospitalisation (et donc parfois de longs déplacements) ou une longue attente pour accéder à ces plateformes.

Répondre aux besoins des professionnels de la santé et des patients

Les professionnels de santé, experts dans leurs disciplines, sont porteurs des besoins des patients ainsi que des attentes de progrès thérapeutiques. Ces besoins et attentes doivent guider la recherche pour déboucher sur des produits et des applications nouvelles apportant des réponses. En imagerie médicale, les besoins qu’ils expriment sont de trois ordres au moins:

  • maîtrise de la dose sans altération de la qualité de l’image et de la vitesse d’acquisition des données;
  • traitement de l’image permettant en particulier une reconstruction 3D rapide ;
  • mise en place et déploiement de systèmes d’information, d’échange, d’archivage et de partage des données numérisées (notamment d’images) au sein des hôpitaux et de la chaîne de prise en charge et de suivi du patient.

S’y ajoutent les perspectives des outils de simulation 3D pour la formation des professionnels de santé ou la simulation d’interventions chirurgicales complexes ou encore pour tester virtuellement l’effet des thérapies.

Thales, un vivier d’expertises de haute technologie à exploiter

Une variété de métiers Thales peut vite contribuer à l’amélioration des principaux éléments de l’imagerie médicale: le développement de nouvelles sources de rayons X, l’acquisition rapide des images, le stockage, la géolocalisation, la gestion et le partage de ces données en toute sécurité. Les perspectives ouvertes par les nouvelles technologies telles que la réalité augmentée, la robotique et les nanotechnologies peuvent accroître la qualité des prestations, la sécurité et le confort tant du personnel médical que des patients. Les applications sécurité et défense de Thales font appel à toutes ces capacités, pourquoi ne pas les utiliser pour aller enfin vers de vraies technologies duales, du militaire au civil ?

Le « pilotage » industriel du médical évolue vite : hier, les grands groupes de l’électromécanique étaient les fers de lance (tables orientables, rotation des sources et détecteurs), demain ce sera le tour des grands groupes et PME de l’électronique : les places se jouent aujourd’hui. Mais aucune entreprise française n’est dans la course, le dernier maillon, ayant été cédé à General Electric en 1987 par Thomson-CSF.

Or, de nombreuses start-up issues de la recherche ont émergé, à la merci des grands groupes étrangers déjà cités, dont l’objectif est d’utiliser les résultats de la recherche subventionnée.

Le rachat de ces start-up constitue une solution pour leur pérennité mais il est dommageable que les inventions françaises irriguent l’économie des autres pays !

Thales peut constituer un pivot industriel fort autour duquel se consoliderait ce tissu entrepreneurial. La forme d’un tel partenariat reste à trouver (pourquoi pas en s’associant à EADS qui développe de la robotique?) en accord avec l’État. Les pôles de compétitivité Systematic, Medicen et Cap Digital se sont associés dès 2010 pour traiter le thème TIC (technologies de l’information) et de la communication et Santé. L’imagerie numérique constituait l’un des axes prioritaires. Thales peut-il ignorer cet engagement ? Au-delà des images, la gestion et la protection des données personnelles sont un enjeu considérable.

Des garanties doivent être fournies pour assurer une protection rigoureuse du secret médical et interdire la possibilité de discriminations préjudiciables aux personnes.

Les exemples de surveillance numérique indue montrent que le risque de récupération de données personnelles est loin d’être exclu. Or des masses de données sont produites et devraient être mises à disposition des chercheurs et des autorités sanitaires. À ce niveau, des outils puissants et des méthodologies issus du domaine de la Défense ne peuvent-ils pas être mis au service du stockage, de la protection et de la circulation (accès et circuits sécurisés) des données médicales ?

Un projet fédérateur aux implications immenses

Au-delà de l’analyse des moyens techniques, la CGT de Thales a engagé des discussions avec les ministères, les professionnels de la santé et des responsables de CHU. Son projet reçoit un bon accueil parce qu’il correspond à une vraie attente de partenaires orphelins d’un fédérateur de la filière « imagerie médicale » en France. Cependant, chez Thales, un tel projet doit être soutenu au premier chef par les salariés, pour élargir le périmètre du « cœur de métier » qui prévalait auprès de la direction du groupe. Sa position a évolué sur les possibilités d’intervention dans le domaine du numérique. Aller plus loin en analysant le potentiel technologique afin d’identifier de nouvelles applications pour le médical (nouvelles sources et capteurs intégrés par exemple) et développer ainsi le secteur des technologies civiles est un objectif hautement souhaitable et réalisable.

Jean Luc Maletras est consultant à Geris (cabinet Thales) et Simone Cassette est chercheur à Thales recherches et technologies.

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