Ce centre d’innovation technologique se situerait entre les industries de la filière et les organismes de recherche. Ce serait donc un modèle ternaire. Rien de bien révolutionnaire : nous proposons simplement de remettre en place un dispositif qui existait dans les années 1960 et qui a été à la base de brillants résultats notamment dans le ferroviaire, l’aéronautique, le spatial ou l’énergie. Le modèle des centres techniques mis en place de longue date par les branches industrielles pourrait être exploité.
Des lieux de ce type existent dans d’autres pays, adaptés aux cultures économiques nationales. On les appelle Fraunhoffer en Allemagne dont le modèle a été adopté récemment en Grande Bretagne, TNO aux Pays Bas, Ecoles Polytechniques Fédérales en Suisse dont les plus connues sont celles de Lausanne et de Zurich, VTT en Finlande, National Network for Manufacturing Innovation (NNMI) aux USA…
La structure Minatec pour la microélectronique à Grenoble se rapproche de ces modèles.
Or, ce qui est mis en place dans le cadre de la French Tech représente une couche de plus dans le mille-feuilles des dispositifs de transfert de technologie. Les “Medtech cities” ressemblent une fois de plus à une coquille vide, qui va mettre en relation les technocrates des ministères, les décideurs en région, les investisseurs publics et privés, les “affairistes” (marketing et communication, business développement, juristes…) qui se nourrissent de la manne publique et disparaissent lorsqu’il n’y a plus rien à croquer!
Dans la feuille de route santé comme dans les autres filières sélectionnées pour leur potentiel, la priorité est donnée à l’accélération des start-up. Leur donner un cadre concret pour accéder aux outils de gamme industrielle dans une infrastructure spécifique où toutes les compétences de la recherche et des entreprises peuvent être réunies sur des programmes structurés et de long terme nous semble fondamental. Notre projet, c’est la réalisation concrète d’un centre technologique dédié à la fabrication de prototypes et non le regroupement d’entreprises pour utiliser au mieux les subventions.
Une telle structure serait à la fois un lieu d’expertise scientifique et technologique et un centre de prototypage. Ingénieurs et techniciens sont chargés de concevoir les nouveaux produits, d’optimiser les procédés technologiques nécessaires pour les réaliser et de les tester. En amont “ils questionnent” les chercheurs et en aval sous traitent aux PME la production “des premières séries”. Ce centre doit donc regrouper les moyens techniques high tech que les petites entreprises ne peuvent acquérir et dans lesquels les grandes entreprises ne veulent pas investir pour créer des lignes pilotes, interfaces indispensables entre la recherche et la production. Les 20 milliards de crédit impôt recherche pourraient être transformés en partie en fonds d’aide à la création de plusieurs structures mutualisées, dédiées aux développement des filières d’avenir dont celle de la santé. Leur statut juridique devrait relever du droit privé sans but lucratif afin de mettre tous les acteurs sur un pied d’égalité et rendre la relation interne plus coopérative. Les budgets de fonctionnement se répartiraient en trois tiers : un tiers public, un tiers comme réponse à des contrats publics de recherche développement, un tiers provenant de contrats industriels. La Propriété industrielle appartiendrait à l’entreprise ou l’organisme qui pose le problème. Pour tout prototype conçu par le centre d’innovation lui-même, la propriété intellectuelle resterait propriété du centre en attendant un industriel désirant l’exploiter.
En ce qui concerne le personnel, deux statuts pourraient cohabiter : permanents du centre et contractuels qui après quelques années repartiraient dans leur entreprise ou leur laboratoire d’origine en faisant valoir la plus-value acquise lors de ce travail collaboratif. Le recrutement de docteurs au plus près de leur thèse serait favorisé et permettrait d’irriguer le réseau des PME par ces salariés de haut niveau, aujourd’hui fortement précarisés. Ce centre serait aussi un centre de formation du secteur industriel concerné.
Ainsi, nos propositions rencontrent bien celles qui sont exprimées dans la feuille de route des technologies de la santé mais nous demandons du concret sur du long terme. Nous ne voulons pas financer des start-up pour mieux les vendre ou pour les voir s’établir à l’étranger parce que l’environnement technologique sera meilleur. Il n’est pas forcément nécessaire non plus de multiplier les start-up comme l’injonction en est faite aux chercheurs. La plupart des chercheurs n’ont pas la fibre entrepreunariale mais ils peuvent contribuer activement au développement de nouvelles technologies.
Ne soyons pas naïf, tous les rapports qui ont préconisé l’évolution actuelle du soutien à l’innovation pour la compétitivité des entreprises françaises (rapport Gallois par exemple) précisent que le modèle qui a donné naissance à notre industrie aéronautique, spatiale ou nucléaire est complètement dépassé parce le donneur d’ordre était l’Etat et du fait de la mondialisation. Pourtant, sans négliger les coopérations à l’échelle européenne voire mondiale, dans le cas des technologies de la santé, l’urgence est de renforcer la position française en mobilisant, en premier lieu, les forces endogènes de notre pays.
Et Thales, dans tout cela ?
La création d’un centre de développement technologique doit permettre la mutualisation des moyens humains et matériels. Ce serait la possibilité pour le groupe de transformer de nouveaux concepts ou des résultats d’étude, souvent obtenus dans le cadre de contrat de recherche partenariaux, en véritables prototypes prêts à alimenter les systèmes développés dans les divisions. Au lieu de sous-traiter cette étape à des laboratoires académiques dont les objectifs ne sont pas ceux de l’entreprise, à de multiples sous-traitants ce qui augmente le temps de réalisation et les problèmes, ou dans le meilleur des cas, à des Instituts étrangers (allemand, suisse, finlandais…) qui eux sont structurés pour répondre à ce type de demande.
Thales pourrait soutenir et bénéficier de ces nouveaux centres en France. C’est vrai dans le domaine des activités de santé mais aussi pour d’autres. L’exploitation des brevets, le transfert de savoirs et d’innovations du domaine militaire vers des activités civiles seraient concernés.
Nous l’avons dit maintes fois, Thales recèle des compétences clés pour les technologies de la santé. Même dans le cadre limité des propositions de la feuille de route, le groupe possède des atouts qui doivent être exploités. Un exemple : nous proposons depuis plus de deux ans la mise en place d’un plan “Pass Compétence” propre à la filière du médical, et, pour ce faire, le lancement d’une mission d’évaluation des besoins en ressources humaines de la filière. Ce type de dispositif est souvent cité dans les rapports émanant des ministères. Thales et le Géris, qui en est le concepteur, ont un rôle majeur à jouer dans ce domaine.